Yannick : Rire n’a jamais tué personne

YANNICK
Sortie en salles : 2 aout 2023
Durée : 1h07
Réalisateur : Quentin Dupieux
Acteurs principaux : Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin
Synopsis : En pleine représentation de la pièce « Le Cocu », un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt le spectacle pour reprendre la soirée en main…

Début de carriere

Saviez-vous que Quentin Dupieux et Mr Oizo sont la même personne ?

En effet, avant d’être réalisateur, Quentin Dupieux débute une carrière de musicien dés l’age de 18 ans en concevant une bande son pour un des courts métrages qu’il vendra à Canal +. De sa rencontre avec Laurent Garnier en 1999, il signera avec le label de musiques électroniques FCom/PIAS sous le pseudo de Mr. Oizo.

Il commencera à faire parler de lui pour son titre Flat Beat, un morceau House qui se vendra à plus de 3 millions d’exemplaires dans le monde. Il sera même récompensé aux Brit Awards aux cotés de grand noms comme Jamiroquai, Chemical Brothers et Fatboy Slim.

Même si il réalise des moyens métrages depuis 2010, son activité musicale est encore présente, son dernier single Pharmacist datant de 2020. Il réalise aussi quelques fois les B.O de ses films comme celle de Steak.

Rubber

C’est en 2010 que Quentin Dupieux se fera remarquer avec son moyen métrage Rubber. Le budget du film est modeste (8000000 euros) et les effets spéciaux fait à l’ancienne sans avoir recours au numérique (ou très peu). Le scénario n’est pas banal et c’est aussi ce qui fera la patte Dupieux :

Dans le désert californien, un pneu nommé Robert commence à perpétrer les meurtres grâce à des pouvoirs psychokinétiques. Pendant ce temps, des spectateurs incrédules regardent et commentent au loin les méfaits. La police locale enquête sur ces meurtres, tandis que le pneu poursuis une jeune femme dont il est étrangement attiré.

Vous l’aurez compris, dés son deuxième film, Quentin Dupieux pose son style. Jonglant entre situations absurdes et dialogues à prendre au deuxième voire troisième degré, Quentin Dupieux ne se prends pas au sérieux dans un univers dont seuls les personnages trouvent cela normal ou presque. Car quand un père apprend la nouvelle de son fils, cela nous renvoie à une certaine critique qui trouve Rubber sans aucun intérêt. C’est d’ailleurs ce que j’avais pensé la première fois, mais j’étais formaté sur un certain type de film posé et demandant réflexion. N’ayant pas le recul nécessaire j’avais arrêté avant la fin, trouvant le film indigeste . Mais dés que des ami(e)s m’aient fait découvrir Fumer fait tousser, j’ai reconsidéré Quentin Dupieux et Rubber que j’ai revu récemment.

Dans Rubber, il y a la police qui est invincible aux balles, un pneu qui regarde la TV et boit le lait renversé à même le sol, des spectateurs qu’on essaye d’empoisonner car les personnages ont envie d’en finir avec le film … C’est totalement absurde mais ça marche.

L’absurde assumé est la marque de fabrique de Quentin Dupieux. Je ne pense qu’il y est aujourd’hui en France quelqu’un qui maitrise mieux le sujet que lui sans tomber dans le nanardesque .

Le cinéma français

Après s’être essayé le temps de quelques films aux états-unis, il revient en France avec Réalité. Et le tour de force du réalisateur, sera de convaincre dés 2014, de réunir deux têtes d’affiche que le public connait bien : Alain Chabat et Jonathan Lambert.

Les films suivants seront du même gabarit au niveau du casting : Benoit Poelvoorde, Grégoire Ludig, Jean Dujardin, David Marsais, Adèle Exarchopoulos, Bruno Lochet, Benoit Magimel, Léa Drucker, Gilles Lellouche, Vincent Lacoste, Raphaël Quenard ….et j’en passe.

Au fil des années, Quentin est devenu une valeur sure pour les acteurs, quelqu’un qui tort les codes pré-établi du cinéma, tout en réalisant ses films en un temps record (Rubber , c’est seulement 15 jours de tournage avec une équipe réduite). Et cela est devenu une patte, une marque de fabrique et les acteurs ont envie de participer à cette aventure.

Mais s’il réunit beaucoup d’acteurs connu, il arrive aussi à les faire revenir. Dans Fumer fait tousser, Raphaël Quenard avait déjà joué dans Mandibules et d’autres films avant cela. Mais jusque là, c’était des rôles secondaires, qui n’apparaissaient que le temps de quelques scènes . C’est lors de la promotion de Fumer fait tousser au festival de Cannes que tout changera pour Raphaël Quenard. Voyant son potentiel et son phrasé particulier, Quentin Dupieux a eu l’idée de mettre Raphaël sur le premier plan dans le film qu’il écrivait en secret : Yannick.

Yannick

Raphaël Quenard porte le film du haut de ses 1.85m. Il explose littéralement tout sur son passage. Travaillant 6 jours sur 7, Yannick, gardien de nuit prend un jour de congés pour se détendre. Mais devant la piètre qualité de la pièce de théâtre qu’il est venu voir après 45mn de route, il est obligé d’intervenir en pleine représentation. Une situation qui n’arrive jamais. Et Sophie Denis interprété par Blanche Gardin n’oubliera pas de lui faire la remarque même si Yannick n’a pas tout à fait tort. Et c’est précieusement à cet instant que le film part dans l’absurde.

Tout va alors s’enchainer très vite avec des situations plus loufoques les unes que les autres. Yannick en preneur d’otage mais qui sympathise avec deux spectatrices, Yannick qui emprunte à un spectateur un pc portable dont le mot de passe est vaginale (crié à tout le monde car le possesseur de l’ordinateur est obligé de rester assis à sa place), Yannick qui veut changer en cours de représentation les dialogues de la pièce….

C’est une succession de moments et dialogues croustillants, mais qui mettrait mal à l’aise si nous étions en train d’assister à la scène.

C’est donc en grande partie grâce à Raphaël Quenard que le film prend toute sa dimension. Et si Yannick est irrationnel à vouloir couper la pièce en cours de route, il est tout aussi absurde en preneur d’otage. C’est ce qui fait la force de Raphaël Q. Faire exister un personnage que l’on sent seul, à coté de la réalité,ayant peu de culture, tout en montrant que que son personnage est en manque de reconnaissance.

ll ne faut oublier Pio Marmaî et Blanche Gardin qui interprètent à la perfection des comédiens jouant mal mais persuadés du contraire, tout en regardant du coin de l’œil le public dans l’espoir d’avoir leur approbation. Pio Marmaî joue un Paul qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et qui veut que l’on respecte son travail, même si son jeu manque un peu de naturel . D’ailleurs Paul trouvera la situation bien vite inconfortable quand Yannick viendra l’interrompre, et réussira au bout d’un moment à le faire sortir. Mais les choses changeront lorsque Yannick reviendra pour menacer la salle et les comédiens d’une arme à feu.

Quant à Blanche Gardin, son personnage se dit bien jouer, mais a peur de passer pour un guignol quand elle voit des dialogues mal écrits. L’interprète de Sophie joue parfaitement la femme qui gère mal son stress devant les situations dangereuses et qui propose l’impensable pour se sortir de ce guêpier.

Ce trio de personnages font de ce film un petit bijou. Car même si les traits de Yannick sont un peu exagérés, comment ne peut avoir d’empathie pour un personnage qui se sent seul et mal compris. Et comment ne pas se mettre à la place des spectateurs dans une situation qui met mal à l’aise, devant un situation inédite et non prévue par la pièce.

Un malaise tout à fait compréhensible car chaque personne ayant fait du théâtre même amateur, n’aime pas voir son travail saboté en pleine représentation. Car comme le disent si bien Sophie : « Cela ne se fait pas du tout ce que vous faites ».

Ce que nous montre ici le réalisateur en mettant en avant les revendications de Yannick, c’est le fait d’un monde qui aspirerait à quelque chose de mieux, de personnages au bord de la crise de nerfs car des efforts qui sont fournis ne sont pas à la hauteur des attentes.

Mais cela ne veut pas dire que l’on ne s’amuse pas par ce huit clos, bien au contraire. Certainement le film de Dupieux le plus mature. Film qui aurait pu être encore plus immersif si le film avait été tourné camera à l’épaule. La camera aurait été justifié d’une façon ou une autre dans le scenario.

Pour ma part, j’attends avec impatience Daaaaaali qui relate l’histoire d’une journaliste française rencontrant Salvador Dali à plusieurs reprises pour un projet de documentaire.

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